Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2007, le SMS est une preuve licite, au même titre que n’importe quel écrit. Cependant son régime juridique est encore mal défini, c’est ce que démontre l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 10 février dernier. En l’espèce il s’agissait d’un litige commercial entre deux sociétés dont l’une portait aux débats un élément de preuve constitué d’un SMS récupéré sur le téléphone portable d’un salarié. Au-delà du différend qui opposait les deux entreprises, il s’agissait surtout de déterminer si la manière dont le SMS avait été obtenu répondait aux exigences de la loyauté de la preuve. Si le pitch de départ de cette affaire semble simple, la solution des juges de cassation quant à elle est critiquable.
E-mail et SMS même combat…
Les juges de cassation n’ont pas fait preuve d’imagination dans cet arrêt du 10 février 2015 ((Cass. Com., 10 février 2015)). Dans cette affaire, la chambre commerciale s’est inspirée de la jurisprudence de la chambre sociale selon laquelle “les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme personnels” ((Cass. Soc., 26 juin 2012)). Si l’on suit ce raisonnement, il est certain que l’employeur pouvait, à l’insu de ses subordonnés, consulter les SMS contenus dans le téléphone mobile qu’il avait mis à la disposition de ses salariés. Malgré tout, la solution de la Cour de cassation semble en pratique particulièrement improbable. En effet, à la différence d’un e-mail pour lequel la mention “personnel” peut figurer en objet, l’identification du caractère personnel d’un SMS semble impossible.
De même, si l’employé inscrit le mot “personnel” au début de chaque texto, son employeur ne se rendra compte du caractère personnel ou professionnel qu’après ouverture du SMS, ce qui dans tous les cas violerait le secret de la vie privée et des correspondances garanti autant par l’article 9 du Code civil ((Chacun a droit au respect de sa vie privée)), que par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ((toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance)). Autrement dit, outre son manque d’expertise en matière de nouvelles technologies, mais également sa volonté de faire un parallèle entre SMS et e-mail, la Cour de cassation obtient le résultat inverse de celui recherché. Si tel est le cas, c’est une belle preuve que les juges français sont totalement déconnectés du monde numérique dans lequel nous vivons déjà depuis plus de quinze ans. Reste à savoir si cette décision tiendra sur la longueur.
Des solutions techniques prêtes à l’emploi
L’employeur, on le sait, a parfaitement le droit de mettre en place des dispositifs permettant d’améliorer la relation clientèle et d’éviter ce fléau qu’est le vol. Il peut ainsi user de caméras, vidéo-surveillance, GPS, etc., à condition de respecter la vie privée du salarié et de ne pas détourner le système de sa finalité pour le « pister » à son insu ((L’employeur doit déclarer l’existence du traitement automatisé à la CNIL et informer préalablement chaque employé)). Concernant les téléphones mobiles mis à la disposition des salariés, on peut imaginer par exemple que l’employeur soit tenu d’installer sur les appareils une application permettant de conserver, d’archiver, de rechercher et d’exporter les e-mails et les SMS de son entreprise afin de les consulter ((“Google Apps Vault” de Google est une application qui permet de conserver, d’archiver, de rechercher et d’exporter les e-mails et les messages de chat dans le cadre d’une procédure d’e-discovery et de conformité. On peut alors imaginer que cette application puisse également être utilisée par l’employeur hors du cadre de l’e-discovery)). L’application possède une fonction pour les e-mails et les SMS permettant à l’employé d’y insérer la mention “personnel”.
Il serait intéressant que la CNIL fixe des grandes lignes (peut-être par des recommandations) permettant d’encadrer la consultation par l’employeur de SMS en provenance d’un téléphone présumé d’usage professionnel afin de trouver des solutions techniques, à défaut de solutions juridiques, permettant toutefois de laisser à l’employé le choix ou non de donner accès librement au contenu de ses SMS.
LW
Je suis tout à fait d’accord avec vous, notamment sur le fait qu’il serait intéressant qu’on fixe des grandes lignes à cette histoire de consultation de SMS ou e-mail par les employeurs. Je ne sais pas ce qu’il en est de ce cas en ce moment, mais je crois que ce n’est pas encore bien établi.
Moi, j’ai suivi quelques formations en ce qui concerne la cybersécurité. Et je trouve que si on donne un accès non autorisé à une personne, cela veut dire que notre système de sécurité est vulnérable.