Incroyable Google, qui permet d’obtenir en quelques secondes, accès aux condamnations pénales et autres actions judiciaires menées par les citoyens grâce à son prodigieux moteur de recherche…et tout cela gratuitement. Ainsi ce son les noms et les prénoms des parties à un litige qui apparaissent lorsque des internautes effectuent une recherche sur Google. Cette libre diffusion des données jurisprudentielles en ligne soulève de nombreuses questions. Quels sont les dangers de la libre diffusion des décisions judiciaires en ligne?
Les préjudices subis par la diffusion des décisions de justice en ligne
En passant aux cribles l’historique judiciaire des citoyens, Google nous permet d’obtenir de précieuses informations sur les justiciables. Par exemple, un individu qui à fait l’objet d’une condamnation dans une affaire de corruption de mineur a pu voir son nom et son prénom associés au terme viol, satanisme et prison par le moteur de recherche. Dans le même sens une société a pu constater que sa dénomination sociale était associée aux termes arnaque. Ces informations recueillies en ligne permettent aux internautes qui effectuent une recherche d’établir des profils et des corrélations. Ainsi un employeur pourra se servir de ces informations afin de ne pas embaucher un éventuel employé qu’il considéra comme peu recommandable du fait d’une condamnation fut-elle rendue il y a plusieurs années. Par ailleurs, un crédit pourra être refusé à un citoyen ayant fait l’objet d’une sanction dont la décision est accessible en ligne. Ne soyons pas dupes, l’ensemble de ces données délinéent une topographie judiciaire créant un réel préjudice aux citoyens. Peut-on encore au nom du droit à l’information du public ou de la recherche universitaire permettre une libre diffusion des données judiciaires ?
Entre anonymisation et pseudonymisation il faut choisir
L’anonymisation semble s’imposer aujourd’hui comme le seul procéder moderne permettant de caviarder les décisions de justice. Toutefois, l’importance de la recherche jurisprudentielle nominative à des usages multiples : Elle sert à mémoriser aisément les grands arrêts de la jurisprudence administratif et judiciaire (voire constitutionnelle) lorsque les universitaires souhaitent communiquer dans des conférences ou publier dans des revues juridiques. Les étudiants en droit usent également de ces bases de données jurisprudentielles pour enrichir leurs commentaires d’arrêts, leurs mémoires ou bien leurs thèses (quel étudiant pourrait oublier l’arrêt Blanco, Nicolo ou Perruche). Nombreux s’accorde à pointer du doigt le coût de l’anonymisation des décisions de justice. En outre, sur un plan strictement technologique, il n’existe pas de logicielle assez efficace pour noircir massivement l’identité des individus.
En dépit d’une idée répandue l’anonymisation n’est pas la seule technique permettant de cacher l’identité des parties à un litige sur une publication d’une décision judiciaire. À cette fin, des professeurs de droit et d’informatique exerçant dans des universités américaines ont mis en place des techniques de procédures de pseudonymisation. La pseudonymisation qui est à ce titre évoquer par le RGPD consiste par le remplacement d’un nom par un pseudonyme. Par conséquent les données perdent leur caractère nominatif. À titre d’exemple Julie Dupond deviendra Marie Dupont. Cette technique diffère de l’anonymisation dont les données restent liées à la même personne dans tous les dossiers et systèmes informatiques sans que l’identité ne soit révélée. Par ailleurs, il convient de noter que la pseudonymisation est une opération réversible à la différence de l’anonymisation qui est une opération irréversible tendant à supprimer l’ensemble de tous les caractères permettant l’identification un ensemble de données. En ce qui concerne la pseudonymisation il s’agira le plus souvent de technique de hachage des données.
La monétisation des données juridiques
Et si la solution était que les justiciables soient payés à chaque fois qu’une recherche de leurs données judiciaires était effectuée au même titre que la publicité au clic (sur une bannière publicitaire). À la vérité, les objets connectés récupèrent nos données quotidiennes comme le nombre de pas que l’on peut faire dans la journée, le rythme du battement de notre cœur, nos colories perdus etc.. Ces données nous appartiennent tout comme nos données judiciaires. Les techniques d’anonymisation ou de pseudonymisation ne sont pas fiables à 100 % et représentent également un coût financier. Par conséquent il paraît assez logique que les citoyens puissent recevoir une redevance sur la consultation de leurs données juridiques par les internautes qui devront être payer par les FAI et les moteurs de recherche.
LW
A ce sujet il convient de noter une affaire récente qui fait l’objet d’un article sur Legalis:
Le fait de faire état des condamnations assez anciennes d’une personne sur une page internet qui lui est consacrée et de reproduire tout ou partie des décisions de justice en cause dans une démarche malveillante constitue une atteinte à la vie privée de la personne, a estimé le TGI de Paris dans un jugement du 14 février 2018. Si le tribunal prend soin de rappeler que l’obligation d’anonymisation de la jurisprudence ne s’applique qu’aux bases de données et que les décisions de justice sont publiques, il relève cependant différents éléments qui permettent de penser que l’auteure de la page a dépassé le cadre d’un débat d’intérêt général et surtout qu’elle semblait mue par une certaine malveillance. Elle a été condamnée à verser 2 000 € de dommages-intérêts pour l’atteinte à la vie privée de la personne ciblée, 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supprimer la page internet en litige.
Dans cette affaire, un spécialiste de la supplémentation nutritionnelle avait découvert une page internet qui lui était consacrée sur un site dédié aux « croyances irrationnelles ». Cette page faisait essentiellement état de deux affaires pénales qui avaient fait l’objet de deux arrêts de 2009 et de 2011 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence le condamnant, respectivement, pour commercialisation de médicaments sans autorisation de mise sur le marché et infraction à la réglementation de la publicité, et pour fraude fiscale. Ces décisions qui avaient été diffusées par Legifrance de manière anonymisées, afin de protéger la vie privée des personnes, avaient été reproduites en l’état. Mais l’anonymat de la personne avait été levé par le fait même que les décisions figuraient sur une page qui la nommait.
Sources: https://www.legalis.net/actualite/condamnation-pour-publication-de-decisions-de-justice-en-ligne/
Il présente bien des risques à mon avis, et pas des moindres en plus. Cela revient à exposer le passé de certaines personnes qu’elles ne veulent pas forcément être divulguées. Et si on prouve après quelques années de condamnation qu’une personne est innocente, comment sera sa vie après ?