Alors que l’action de groupe fait ses premiers pas en droit français, de nouveaux moyens pour les associations d’agir en justice apparaissent sur la toile. Il s’agit d’évolutions majeures permettant à des associations d’agir pour des causes justes et solidaires. C’est notamment le cas de la cause écologiste défendue par l’association Citizencase, une plateforme de financement participatif. Sébastien Vray (coordinateur & porte-parole de Citizencase) et Anna Ablazevica (juriste et membre de Citizencase) ont eu la gentillesse et m’ont fait l’honneur de répondre à mes questions.
1/ Comment est né le projet Citizencase?
Citizecase a été imaginé à la suite de la réforme de l’agrément des associations de protection de l’environnement de juillet 2011 (Décret n° 2011-832 du 12 juillet 2011 relatif à la réforme de l’agrément au titre de la protection de l’environnement et à la désignation des associations agréées, organismes et fondations reconnues d’utilité publique au sein de certaines instances). Cette réforme a restreint l’accès de certaines associations aux instances consultatives. Indirectement, cette réforme a également restreint du point de vue juridique, l’accès à la justice de certaines associations. Citizencase s’est concrétisé en mars 2012 au moment où venait d’être annoncé le projet de loi sur la consommation introduisant l’action de groupe en France.
Après plus de 30 ans de réflexion à ce sujet, le manque d’ambition du projet de loi Hamon relative à la consommation était consternant et certainement pas rassurant. Il semblait révéler la défaillance des pouvoirs publics dans l’accomplissement de leurs missions. On parle depuis longtemps de la nécessité d’une action de groupe (class action) pour les dommages de masse écologiques et sanitaires. Le financement par la foule constitue une réponse au besoin croissant de la société civile de se protéger contre les risques et les atteintes à l’environnement et à la santé, souvent source de dommages de masse écologiques et sanitaires devenus aujourd’hui intolérables.
Ainsi est née en mars 2012 l’idée de Citizencase, un concept novateur en ce qu’il utilise le crowdfunding pour financer les actions en justice. Citizencase a été réalisé par Datagif, une agence hybride qui croise les métiers du digital et de l’édition. Citizencase utilise la technologie du 1er site de financement participatif européen : Ulule.com.
2/ Pourquoi un financement participatif axé sur l’écologie ?
Pourquoi le financement participatif ?
Citizencase s’inspire de la possibilité qu’offre les actions de groupe dans les pays où elles existent. L’intérêt d’un tel mécanisme procédural est indéniable. Il réside dans la possibilité de mutualiser des coûts de procédure et donc de leur réduction. Or, ce coût est souvent dissuasif. Dans un Etat de droit il semble inconcevable de tolérer et de ne pas sanctionner certains comportements nuisibles et même dangereux pour la société toute entière pour la simple raison que la justice coûte trop cher. Le crowdfunding permet de collecter des fonds – généralement de petits montants – auprès d’un large public. Le crowdfunding sur le web connait aujourd’hui un essor particulier.
Pourquoi défendre l’environnement, la santé, les droits sociaux et un modèle de société fondé sur la consommation responsable ?
Il est essentiel pour que certains droits environnementaux et sociaux soient véritablement efficaces que leur sanction soit possible, en toute circonstance. Or, on constate trop souvent l’insuffisance des moyens des associations. Et pourtant, elles sont aujourd’hui les acteurs incontournables de la défense de l’intérêt collectif qui réside dans la protection de l’environnement et de la santé. Donner des moyens aux associations d’agir en justice et donner plus de poids à leurs actions contentieuses, c’est se protéger aujourd’hui pour vivre mieux demain.
L’environnement est une chose commune qui n’appartient à personne mais dont l’usage est commun à tous. L’humain n’a qu’un droit d’usage partagé, limité et non exclusif contrairement au droit de propriété qui lui confère le droit de détruire. Le comportement de celui qui dépasse son droit d’usage ou de celui qui empiète sur le droit d’usage d’un autre, doit pouvoir être juridiquement sanctionné. En raison de l’état dégradé de l’environnement qui se manifeste notamment par la raréfaction ou la pollution des éléments vitaux, les autres détenteurs de ce doit d’usage doivent pouvoir rechercher collectivement une telle sanction.
Ces préjudices nuisent donc à la collectivité dans son ensemble. Mais seules les associations peuvent agir pour sanctionner les comportements qui se trouvent à leur origine. On ne voit donc pas pourquoi elles pourraient agir partout, sauf en justice. Au delà du domaine environnemental, l’objectif est de rendre la justice accessible et l’utilisation du droit régulière pour sanctionner les comportements qui y contreviennent. Souvent, cette méconnaissance est manifeste et malheureusement les autorités publiques restent passives ou poursuivent leurs desseins à la limite de la légalité.
Mais Citizencase est bien plus. Il s’agit de rendre plus visible la problématique de la santé environnementale et faire prendre conscience aux autorités publiques de l’urgence d’agir contre cette crise écologique, sanitaire et sociale. Il s’agit aussi d’informer et d’impliquer l’internaute.
3/ Qui peut demander le financement d’une action en justice via Citizencase?
Citizencase s’adresse à toute association régulièrement constituée, qu’elle soit déclarée, agréée, locale ou nationale, qui œuvre dans les domaines de l’environnement, de la santé, des droits sociaux et de la protection des animaux.
4/ Comment s’utilise la plateforme Citizencase?
Le fonctionnement de Citizencase en cinq étapes :
Une association constate une atteinte ou un risque d’atteinte à l’environnement ou à la santé.
Elle récolte les preuves et constitue un dossier.
Elle propose son projet de contentieux sur Citizencase.
Les internautes l’aident à atteindre son objectif de financement.
L’association agit en justice grâce aux soutiens des internautes.
5/ Quelles preuves peuvent être réunies pour prouver une atteinte à l’environnement, à la santé ou aux droits sociaux?
Tout dépend de la juridiction que sollicite l’association et de l’atteinte à prouver. En principe, la preuve est libre. Il peut s’agir des analyses effectuées dans un laboratoire, des faits constatés en présence d’un huissier de justice, des preuves matérielles récoltées sur place ou d’un argumentaire purement juridique.
6/ Peut-on faire appel à Citizencase à n’importe quel moment du litige?
Citizencase est un outil mis à la disposition des associations pour les aider à financer leurs projets d’action en justice. Il peut s’agir d’une action en justice en première instance, en appel ou en cassation. Tout litige qui n’a pas été tranché de manière définitive par un juge peut être publié sur Citizencase.org.
7/ Pouvez vous nous parler de vos partenaires?
L’idée est née il y a plus de 2 ans maintenant. Citizencase, tel qu’il est aujourd’hui, est issu d’une large concertation avec de nombreux acteurs du milieu associatif. Citizencase a toujours été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme.
Il faut savoir que Citizencase.org est une initiative portée par l’association Rassemblement Pour la Planète (le RPP) qui s’est constitué en 2012 pour mettre la santé environnementale au cœur des politiques publiques. Il est né de la coopération de cinq associations œuvrant pour la protection de l’environnement et de la santé (Ecologie Sans Frontières, Respire, Réseau Environnement Santé, Générations Futures, Robin des Toits).
La plateforme a aussi été présentée à des acteurs incontournables du milieu juridique. Cette initiative citoyenne et désintéressée a été approuvée par ceux qui mettent leurs compétences et savoir-faire juridiques au profit de la cause environnementale et l’intérêt collectif de manière générale.
Citizencase a été réalisé par Datagif, une agence hybride qui croise les métiers du digital et de l’édition. Citizencase utilise la technologie du 1er site de financement participatif européen : Ulule.com. Nous les remercions pour leur soutien infaillible et pour leur précieux savoir-faire.
8/ Quelles ont été les actions que vous avez menées et quelles sont les affaires en cours de financement?
Deux actions en justice en déjà été financées sur Citizencase.org
L’action en justice de l’association Pays Rochefortais Alert’: l’association s’est constituée en 2013 pour lutter contre le projet de construire un hyper-incinérateur à Echillais (Charente-Maritime). Il s’agit d’un projet coûteux pour les finances publiques locales, dangereux pour la santé et l’environnement, contraire au mouvement actuel tendant vers la politique de zéro déchet. C’est un projet dépassé et très contesté au niveau local. L’association a inscrit son projet sur Citizencase le 27 juin 2014. Son objectif initial était 10 000 euros. Grâce à une belle mobilisation des internautes, l’association a réussi à collecter 12 688 euros et a donc dépassé son objectif initial.
L’action en justice de l’association L214 : Depuis 2004, par des enquêtes filmées en couvoirs, salles de gavage et abattoirs, l’association L214 révèle la réalité de la production du foie gras. ’association L214 a révélé au mois de novem bre 2013 les conditions dans lesquelles vivent et sont traités les canards dans des usines de production de foie gras qui fournissent entre autres les palaces parisiens. Ces vidéos montrent des canards blessés sans soin, dans un état de santé très précaire et pour certains morts, laissés à l’abandon. L’association a décidé d’agir en justice pour mettre fin aux souffrances de canards. Elle souhaite également que soit reconnu que le gavage constitue un acte de mauvais traitement et de cruauté sur les animaux. Elle défend également sa liberté d’expression et souhaite combattre les idées reçues. Son objectif de financement était de 3000 euros. Il a été dépassé en 1 journée seulement.
Projets en cours de préparation
Plusieurs projets sont en cours en préparation et seront publiés dans les semaines à venir. Parmi ces projets, il y a des actions en justice contre des grands projets inutiles et très contestés par la société civile, des actions pour défendre le droit d’informer et d’alerter les populations en cas de risque sanitaire, des actions pour sanctionner les atteintes aux droits sociaux.
Merci à Sébastien Vray et Anna Ablazevica pour cette interview.
Vous pouvez participer aux causes défendues par Citizencase via le site http://citizencase.org/
En ce moment, on trouve tellement d’organisation, de site qui propose de lutter pour la protection de l’environnement. Du coup, j’aimerais savoir le petit plus que celui-là a.
Je crois que chacun de nous s’engage davantage à la lutte pour la protection de l’environnement. Je trouve ça excellent parce que cela assurera l’atteinte des objectifs du développement durable des Nations unies pour l’année 2030.
Un grand merci, on a besoin d’association pour défendre la planète. Seul dans son coin, on petit ramasser les papiers par terre. Mais un groupement à plus de force.
Vous avez raison, lorsqu’on parle de l’environnement, cela veut dire qu’il faut nous serrer les coudes, car on se trouve dans le même bateau. En ce moment, il est temps de réagir face à ce réchauffement climatique (45 à 60 °C), car c’est trop.